Le raisin: un texticile de JL
LE RAISIN
Le raisin de table est le seul raisin auquel les Croqueurs de pommes
feignent de s’intéresser.
Mais nous en connaissons
qui cultivent en catimini le raisin de treille.
Ils en tirent une boisson vinifiée
qu’ils appellent vin
dont ils se disputent l’appellation.
Il paraît, selon eux,
que le cépage fait tout le bouquet.
C’est le terroir dit l’autre.
C’est le travail du vigneron renchérit le troisième.
Lâche- moi la grappe dit le quatrième.
Mais l’autre lui met le grappin dessus
et lui enfonce sa science ampélologique dans l’oreille :
« Ton gamay ne vaut pas tripette,
c’est de la lambrusque ».
-Sarment d’ivrogne, crie le premier !
La déraison aidant ils portent plainte,
sur papier- raisin bien sûr,
lequel n’a même plus sa vignette (1).
Ils vont chez un avocat,
lui proposent des pots-de-vin,
quel barouf !
On finit par se cogner à coups de ceps et de provins.
Le raisiné coule.
On appelle la maréchaussée.
C’est la rafle.
Voilà bien l’abus des crus et des cuites !
Ah ! que je loue les Croqueurs
qui ne soutiennent que les rafles à grappiller,
chapelets à gros grains
à réciter au bout d’un bon repas.
Leur bonne raison, c’est le raisin de table.
Je peux en témoigner sous la foi du sarment.
J.L.
(1) Ornement en forme de branche de vigne devenu « cul-de-lampe ». Le papier raisin portait une vignette en filigrane.