Tous pourris ?

Publié le par Petits potins_10

Tous pourris ?

 

A la veille des élections, une multidiffusion circulant  par courriel tentait de ranimer les vieux réflexes anti parlementaires bien connus dans l’histoire de notre République.

 Du Général Boulanger au complot des ligues fascistes en 1934, la thématique n’a guère changé. « Bons à rien, gaspilleurs des deniers publics  et tous pourris. » . Pierre Poujade en fit ses choux gras en 1956 (avec à ses côtés un certain JM Le Pen ).

Dans un registre différent, le Général De Gaulle fit de la lutte contre « les partis » un de ses thèmes majeurs. De l’époque de l’UNR triomphante (1958- 1965 ) date l’expression de « député godillot ». Les événements de 1968 ramenèrent à l’assemblée une majorité de droite écrasante et soumise au pouvoir exécutif.

 

 Alexandre Sanguinetti, un Gaulliste historique qui pratiquait le « parler vrai » (et à l’occasion le coup tordu- voir l’histoire du Service d’action civique avec son ami Pasqua ) observa alors que la majorité aurait pu faire élire un âne s’il avait porté les couleurs du parti dominant. Je ne sais pas pourquoi cette remarque a de nouveau semblé d’actualité…jusqu’à la veille du second tour.

 

L’ anti parlementarisme n’est pas seulement lié à la partie la plus réactionnaire de la droite. Le courant anarchiste et anarcho-syndicaliste, autrefois dominant  lui donna jadis une couleur « rouge-noire » que l’on vit ressurgir aussi en 1968 (« Elections piège à cons » ). Le courant marxiste dénonça longtemps la « république bourgeoise » et le système représentatif. Le PCF a depuis plusieurs décennies changé de position à ce sujet. Les courants extrêmes de la gauche n’ont pas tous une position très claire à ce sujet.

D’où provient donc le texte diffusé, dénonçant un privilège inacceptable « voté à la sauvette » « par tous les partis »  à l’initiative de jean Louis Debré ? Extrême droite ? Extrême gauche ? Le but était certainement de favoriser l’abstention.

Que dit l’accusation ?

Les députés se sont voté un « golden parachute » en cas de non réélection. «  Pour chaque député non réélu les Français devront payer 417 120 € ». Le calcul précise 6952 € par mois pendant 60 mois. A l’issue des 5 ans, ils percevront 20% de ce traitement « à vie ».

La loi a été votée « en douce », « en catimini ». Elle modifie l’état de fait antérieur qui maintenait l’indemnité 6 mois et non 5 ans. Aucun média n’en a parlé sauf le « Canard enchaîné »  et « le Midi libre ». Suivent des renseignements exacts collectés sur le site de l’Assemblée Nationale.

http://www.assemblee-nationale.fr/connaissance/indemnite.asp#alloc

De quoi s’agit-il ?

L’auteur du courriel  critique « l’allocation d’aide au retour à l’emploi » des députés battus aux élections. Il s’agit d’un dispositif d’assurance chômage particulier, ces élus ne relevant pas de l’ASSEDIC. Ce que ne dit pas notre auteur c’est que :

-         cette allocation n’est versée qu’aux députés non réélus et sans emploi.

-         le dispositif est financé par une cotisation prélevée sur l’indemnité des élus en fonction (0,5% de l’indemnité parlementaire)

-         l’allocation est différentielle (selon les ressources personnelles de l’élu) et dégressive dans le temps. (100% pendant 6 mois puis 70% (1 an), 60% à 1 an et demi,  50%  bout  après 2 ans, puis -5% par semestre. Le calcul mis en exergue dans le courriel est donc faux.

 

 Quel est le problème ?

Il est possible évidemment de hurler au scandale. Quoi ? Les députés battus auraient droit à une indemnité de chômage ? Il semble bien pourtant que la question ne soit pas là. Qui sont nos députés. L’  assemblée élue en 2002  avait la composition sociologique suivante :

Agriculteurs : 2,5% ; artisans et commerçants, chefs d’entreprises 5,6% ; cadres et professions intellectuelles supérieures 78,8% ; professions intermédiaires 7,2% ; employés 5% ; ouvriers 0,9% ! On insiste à juste titre sur la faible représentation des femmes ou des « minorités visibles » ( lamentable euphémisme pour ne pas parler de la couleur de la peau- critère qui semble rendre fous bon nombre de nos contemporains !)

« l’UMP, a choisi une fois encore pour ces élections législatives les pénalités financières (4,3 millions d’euros en 2005) plutôt que la mise en œuvre de la parité. Alors que le PS et le PCF ont investi respectivement 43,6 % et 46,5 % de candidates, à l’UMP, au premier tour, à peine plus du quart des candidats (26,5 %) sont des candidates. Résultat : seulement douze femmes parmi les députés de droite déjà élus. 12 %, on est bien loin de la parité.

Quant aux candidats que l’on dit « de la diversité », ils sont quasiment absents des tablettes de l’UMP. Lorsque le PCF et les Verts en présentent une cinquantaine, le PS une vingtaine, ils ne seraient, selon le recensement du journal le Monde, qu’« une petite dizaine » dans les rangs du parti du président. Sans surprise donc, aucun ne figure parmi les 109 élus du premier tour. Seul rescapé en lice pour le deuxième tour sous les couleurs de l’UMP : Salem Kacet, un radiologue de Roubaix.

Mais s’il est une minorité quasiment invisible à l’assemblée comme au gouvernement, c’est bien celle des ouvriers et des employés – de tous sexes ou origines - qui constituent pourtant la majorité de la population ! Parmi les élus du premier tour, on compte 12 chefs d’entreprise,  9 médecins, 2 dentistes, 3 pharmaciens, 5 consultants et experts, 5 journalistes… et  0 ouvrier.

La proportion d’élus issus des classes populaires était légèrement supérieure lorsque le PCF avait plus d’influence. Mais elle est toujours restée modeste. Les causes en sont faciles à comprendre. Comme la plupart de nos concitoyens, les employés et ouvriers n’ont ni la disponibilité, ni la sécurité indispensables pour prétendre à un rôle de porte parole du peuple. Les seules voix d’accès ( ascenseur démocratique… ? ) sont soit la fonction publique (protection statutaire contre l’arbitraire patronal et reprise d’emploi si échec) soit la « carrière » dans un parti. Le PCF a longtemps joué ce rôle de promotion. Tout mouvement  prétendant à une transformation démocratique de la société devrait  tenir compte de ces contraintes.

Ainsi, au-delà d’un système de scrutin qui déforme l’expression démocratique (voir article précédent ici ), le système favorise les classes dominantes de la société. Seul un « statut » de l’élu, garantissant son indépendance et son reclassement permettrait peut-être de rééquilibrer une représentation nationale bien affaiblie. (Voir programme «  Une autre politique à gauche » p 64) 

Publié dans Libre parole

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