Anamorphoses par Michel Vinot.

Publié le par Petits potins_10

Michel Vinot expose sur Internet ! 

 « Petits potins10 » a déjà eu l’occasion de parler du travail de Michel Vinot . Ses images produites par traitement numérique ont déjà fait l’objet d’expositions, notamment à la Bourse du Travail et au CDDP à Troyes ainsi qu’à Saint Lyé.  

  Elles sont maintenant visibles sur Internet à l’adresse suivante :  

http://perso.orange.fr/anamorphoses.vinot/

 

 

 

 

 Le procédé de création est contemporain. L’ordinateur et ses logiciels permettent d’obtenir des images saisissantes. Cependant, le travail de Michel Vinot va plus loin. Intitulant lui-même ses productions « anamorphoses », il se place dans une longue tradition artistique et picturale. Historiquement, l’anamorphose est l’une des applications des travaux de Piero della Francesca sur la perspective . Le procédé sera étudié par Jean-François Nicéron en 1636 et Andrea Pozzo (1642-1709), peintre et architecte qui publiera ses théories dans un ouvrage : Perspectiva pictorum et architectorum. A l’époque, le procédé semblait comporter une part de magie et de secret. Dürer parlait  d’un « art de la perspective secrète ».

 

 

 

 

  L’application scientifique a une définition précise : une anamorphose ( du grec ana= en remontant, qui marque le retour vers, et de morphe = la forme ) est une déformation réversible d'une image à l'aide d'un système  optique tel un miroir courbe - ou un procédé mathématique. 

 ( Pour les matheux voir : http://www.mathcurve.com/courbes2d/anamorphose/anamorphose.shtml )

 Dans le domaine artistique, c’est une perspective outrée où le regard ne se porte plus perpendiculairement à la surface peinte, mais où l’œil regarde le mur de biais : l’illusion du relief en sortira. Parfois, l’œuvre est présentée avec un miroir circulaire ou cylindrique qui permet de voir l’image ayant donné naissance à ses déformations. Des anamorphoses chinoises datant de la dynastie Ming ( 1368-1644) en donnent des exemples. Le 18ème siècle a abondamment utilisé le procédé pour masquer des images érotiques. Dans une anamorphose d’ Istvan Orosz  un paysage arctique révèle dans le miroir cylindrique un portrait de Jules Verne .  Le Musée de Figueras consacre une part importante de ses vitrines aux recherche de S alv ador Dali.

 

 

 

 

 On connaît une anamorphose de visage d’enfant (1485) attribuée à Léonard de Vinci, mais le tableau le plus souvent cité est celui de Hans Holbein intitulé « Les ambassadeurs ».

 Pour un commentaire détaillé du tableau : http://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Ambassadeurs_(Holbein)

 La forme à première vue étrange qui occupe le centre du premier plan est en réalité un crâne, habituel symbole des vanités de ce monde. L’intention du peintre peut être éclairée par un  commentaire de Bossuet :

 

 

 

 

 

 

 

 

 "Quand je considère en moi-même la disposition des choses humaines, confuse, inégale, irrégulière, je la compare souvent à certains tableaux, que l'on montre assez ordinairement dans les bibliothèques des curieux comme un jeu de la perspective. La première vue ne vous montre que des traits informes et un mélange confus de couleurs, qui semble être ou l'essai de quelque apprenti, ou le jeu de quelque enfant, plutôt que l'ouvrage d'une main savante. Mais aussitôt que celui qui sait le secret vous les fait regarder par un certain endroit, aussitôt, toutes les lignes inégales venant à se ramasser d'une certaine façon dans votre vue, toute la confusion se démêle, et vous voyez paraître un visage avec ses linéaments et ses proportions, où il n' y avait auparavant aucune apparence de forme humaine. C'est, ce me semble, Messieurs, une image assez naturelle du monde, de sa confusion apparente et de sa justesse cachée, que nous ne pouvons jamais remarquer qu'en le regardant par un certain point que la foi en Jésus-Christ nous découvre."  Bossuet. (Folio, pp. 114 et 115).   

Autre interprétation, celle qui voit dans la déformation introduite dans une représentation apparemment réaliste une intention esthétique mettant en jeu la place et le rôle du spectateur. L’anamorphose impose sa façon de passer du chaos à l’ordre : elle contraint le spectateur à se déplacer pour voir l’œuvre en entier, allusion au rapport entre l’homme et son époque. Tel l’homme du 17ème siècle qui  vit la révolution copernicienne. L’ordre terrestre prime l’ordre divin. La distorsion au centre du tableau serait une métaphore de la conception nouvelle de l’homme.

 

 

 

 

 Le psychanalyste Jacques Lacan, commente largement l'anamorphose dans ses séminaires à propos du regard et de « de la constitution du sujet et de son rapport à la vision », en se référant au tableau de Holbein, les Ambassadeurs (Holbein).« Comment se fait-il que personne n’ait jamais songé à y évoquer quelque chose qui ressemble à l’effet d’une érection.
[...] que voyez-vous qu’est cet objet, étrange, suspendu, oblique au premier plan en avant de ces deux personnages dont la valeur comme regard, je pense, vous est apparue à tous, ces deux personnages figés, raidis dans leur ornement monstrateur entre lesquels toute une série d’objets qui ne sont rien d’autre, que ces objets là même qui dans la peinture de l’époque figurent, les symboles de la veritas. »  
in Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, 1964

 

 

 

 

 Avec S alvador Dali, l’observation du monde laisse place à l’expression de l’inconscient. Selon les spécialistes, nombre de ses œuvres sont marquées par les déformations suggérées par l’anamorphose mise en relation avec la vie sexuelle particulière d’un artiste obsédé par « la double lecture des choses ».

 

 

 

 

 Les applications plus courantes sont nombreuses : jeux de discrimination visuelle, décoration murale, signalisation routière (le vélo déformé peint sur les pistes cyclables). Dans le « Jardin d’un poète », Van Gogh dissimule dans les courbes des fleurs et des branches les portraits de Dante et de Victor Hugo entre autres. Plus de 60 artistes, peintres et poètes sont ainsi dissimulés dans les frondaisons. S’y trouvent aussi des animaux et l’unique anamorphose réalisée par l’artiste : Pégase.  

 

 

 Le commentaire que donne Michel Vinot de son travail est plus modeste. A partir de photographies personnelles travaillées sur son ordinateur, il obtient des centaines de formes originales.

 

 

 

 

  Il les triture, les colore, leur impose retournements, craquelures, dislocations selon son inspiration du moment. Puis il choisit, et naturellement c’est le moment de ce choix qui importe. Pourquoi celui là plutôt que cet autre ? De même que le peintre  décide l’instant de la dernière touche, du dernier trait.

 

 

 

 

 Certaines images évoquent les taches du célèbre test de Rorschard. Laissez votre esprit errer dans les méandres luisants, ronds ou brisés, éclatants de couleurs vives ou volontairement gris et ternes.  Atteindrez vous l’inconscient, les lourds secrets du rêve ?  Contrairement à la définition mathématique de l’anamorphose, rares sont les créations qui dévoilent leur mystère : la photo originelle s’est perdue dans le fouillis furieux  des circuits informatiques. Michel Vinot a envoyé balader les octets et les bits dans un fatras plus inextricable qu’un peloton de fil entre les pattes d’un jeune chat espiègle. Il y a alors, peut-être tout de même une métaphore ici : celle d’un monde qu’un excès de technique et d’information rendrait illisible et follement séduisant. Lorsque Michel exposera publiquement ses œuvres allez le voir et lui demander ce qui donna naissance à telle volute, à ce grand à plat bleu craquelé. Il vous dira avec simplicité que c’est la photo d’une fleur de son jardin, ou le chien du voisin. J’espère qu’après avoir lu cet article, vous n’en croirez rien !

 

 

 

 

 Revoir ces images et d'autres ici et

 

 

 

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