Ecole: qui paie quoi ?

Publié le par Petits potins_10

Depuis plusieurs mois, la droite tente de faire adopter des dispositions imposant aux communes un financement supplémentaire des écoles confessionnelles.



Rappel des faits :

-          Chaque commune doit assurer le service d’éducation public, laïque, et gratuit. (Lois Jules Ferry)

-          La République (l’impôt) ne finance aucun culte (Loi de séparation des églises et de l’Etat. 1905). En principe. Un principe qui subit malheureusement de nombreuses entorses.

On considère généralement  ces obligations comme deux fondements essentiels de notre république. Depuis leur adoption, leur mise en œuvre s’est naturellement heurtée à la pression constante de certains cultes. Le régime dictatorial du Maréchal Pétain durant la seconde guerre mondiale, rétablit le financement de l’enseignement confessionnel (catholique).

La loi républicaine rétablie après la libération de la France, fut à nouveau remise en cause dès le début de la Vème République (les lois « Debré » qui permettent notamment le financement des établissements confessionnels établis sur le territoire des communes). Les établissements dits « sous contrat » bénéficient en outre de la prise en charge par l’état des salaires des enseignants qui y travaillent.



A la fin du siècle dernier, des manifestations mobilisèrent en grand nombre les partisans de l’école confessionnelle d’une part, et les défenseurs du pacte républicain d’autre part (manifestation cléricale contre les lois Savary, manifestations laïques pour le centenaire des lois Ferry puis contre le projet Bayrou.)

Dès son accession au pouvoir, le chef de la droite a choisi d’encourager les communautarismes (discours de Rome et de Ryad), conformément à la politique menée auparavant au ministère de l’intérieur (Conseil « représentatif » du culte musulman).

Au plan local, cette politique s’est notamment traduite par l’adoption de « l’article 89 ». (Le fait qu’un sénateur socialiste connu pour ses extravagances en soit le père spirituel ne change rien au fond)

De quoi s’agit-il ?

Dès lors qu’une famille décide de scolariser son ou ses enfants dans une école confessionnelle située n’importe où, la commune de résidence doit payer les frais de scolarité estimés par l’établissement d’accueil. Le maire n’est pas consulté. Il n’a aucun moyen de vérifier la validité des sommes exigées. En cas de refus, le Préfet peut imposer le paiement. Cet « article 89 » a justement provoqué la réaction de nombreuses municipalités qui ont refusé jusqu’ici le paiement de sommes importantes demandées par des écoles confessionnelles.

Le débat parlementaire en cours a décidé la suppression du fameux « article 89 », semblant ainsi donner satisfaction à l’Association de maires de France comme à l’Association des maires ruraux. Malheureusement, la droite a rebaptisé son texte qui s’appelle désormais « loi Carle ». Quelques conditions ont été mises à l’obligation de financement. Elles seront aisément contournées par les familles qui le souhaiteraient. Sur le plan des principes, la « loi Carle » établit une soi-disant « parité » entre écoles publiques et écoles confessionnelles, ce qui est naturellement contraire au principe de laïcité.

Voici en complément d’information le texte de l’intervention du député de l’Aisne, Jacques Desallangre (Gauche démocrate et républicaine).

 

 

 

 

Ecole privée

Accueil des élèves hors de leur commune de résidence : plus loin que la loi Debré

jeudi 1er octobre 2009



..."Votre proposition de loi va bien plus loin que la loi dite « Debré » de décembre 1959 qui impose aux communes l’obligation de financer les dépenses de fonctionnement des écoles privées sous contrat se trouvant sur leur seul territoire pour les enfants domiciliés dans leur commune" a dénoncé Jacques Desallangre, Député de l’Aisne à propos du texte sur la parité de financement entre écoles publiques et privées pour l’accueil des élèves hors de leur commune de résidence

...Sur le fond, votre proposition de loi dite « Carle » est également contraire à plusieurs dispositions de la Constitution. Elle vise à asseoir et élargir le financement des écoles privées par les communes et l’impôt.

Vous prétendez ainsi éviter une nouvelle guerre scolaire, mais c’est oublier un peu vite que, dans cette « guerre scolaire », chaque partie a largement sa part de responsabilité, et au premier chef l’enseignement confessionnel. Devrions-nous lui donner satisfaction pour éviter de nouvelles tensions ? Car votre proposition de loi va bien plus loin que la loi dite « Debré » de décembre 1959 qui impose aux communes l’obligation de financer les dépenses de fonctionnement des écoles privées sous contrat se trouvant sur leur seul territoire pour les enfants domiciliés dans leur commune.

Ce principe était largement appliqué sans contestation majeure depuis plus de vingt ans jusqu’à ce que l’article 89 de la loi de 2004 cherche à étendre le financement obligatoire des dépenses de fonctionnement aux écoles privées placées sur le territoire de communes voisines. Cet article 89 fut source d’interprétations divergentes et de contentieux à la suite de demandes parfois extravagantes.

La proposition d’aujourd’hui prétend mettre un terme à cet imbroglio juridique, mais elle renforce en fait les nouvelles obligations créées par l’article 89 au bénéfice des écoles privées implantées sur le territoire de communes autres que celle de résidence.

Pourquoi accorder un traitement égalitaire alors qu’il n’y a pas identité entre les systèmes publics et privés ? :

-          L’enseignement public est sectorisé pour éviter les phénomènes de ghettoïsation alors que l’enseignement privé ne l’est pas.

-           L’école publique accueille tous les élèves alors que le privé les sélectionne souvent.

-          L’école publique est gratuite alors que l’école privée l’est rarement.

-           L’école publique est laïque alors que l’école privée est le plus souvent confessionnelle.

 La loi impose déjà une part de financement public pour le fonctionnement des écoles privées, mais la parité de traitement n’a pas à s’imposer comme le laisse supposer le titre de la proposition de loi.

Nous proposerons d’ailleurs par amendement de modifier ce titre afin d’écarter toute idée de parité ou d’égalité entre enseignement public et privé. Si jamais vous persévérez dans cette idée de traitement égalitaire, nous vous proposerons alors un amendement visant à s’assurer que l’enseignement privé bénéficiaire des fonds publics respecte scrupuleusement les valeurs de la République laïque. Vous souhaitez que l’enseignement privé bénéficie des fonds publics.

Assurez-nous alors qu’il respecte les mêmes obligations en matière de refus des communautarismes – notamment par l’interdiction des signes ostensibles d’appartenance religieuse –, de respect de la liberté de conscience, de la liberté de croire et de ne pas croire, de la promotion de la stricte égalité des sexes ! En votant cet amendement, nous mesurerons l’attachement républicain de chacun d’entre nous au-delà des latéralisations partisanes.

Nous vous proposerons également des amendements de suppression car, dans la proposition qui nous est présentée, l’accord du maire n’est ni demandé ni requis alors que les finances de la collectivité locale seront directement engagées. Le maire ne pourra même pas vérifier au préalable que les conditions légales sont respectées. Le préfet, se substituant au conseil municipal et au maire, pourrait ainsi obliger la collectivité à financer.

Par leur caractère obligatoire et automatique ces dispositions législatives contreviennent au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales. Elles font de surcroît primer l’intérêt particulier sur l’intérêt général. Comment justifier auprès des contribuables qu’une commune se voie obligée de fermer une classe ou une école car quelques parents auraient décidé de placer leurs enfants dans la commune voisine pour des raisons de convictions religieuses, au demeurant tout à fait respectables ?

Les décisions de fermeture tiennent parfois à la présence d’un seul ou de deux enfants. Cette proposition risque d’accentuer les fermetures de classes et d’écoles publiques. Est-ce l’objectif indirectement poursuivi ? Ce serait préoccupant car, quand l’école publique ferme ses portes, c’est le processus d’intégration à la communauté des citoyens et la République laïque qui régressent. Vous organisez la concurrence scolaire sur tout le territoire. C’est la fin de la sectorisation, car les écoles publiques seront concurrencées par les écoles privées limitrophes. C’est un véritable marché de l’enseignement primaire que vous créez et qui provoquera une concurrence entre les communes alors que nous avons besoin de complémentarité et de dialogue. En sécurisant juridiquement et en élargissant les cas de financement de l’école privée par des fonds publics, combien de millions d’euros supplémentaires seront-ils versés au privé ? Vous organisez un transfert de fonds publics vers le privé alors que certains villages ou regroupements réclament la création d’écoles ou de classes. Tout l’argent que vous souhaitez donner au privé pourrait utilement être consacré à l’enseignement public afin de renforcer et d’améliorer les conditions d’accueil.

Vous prétendez par ailleurs encadrer les cas dans lesquels la commune aura l’obligation de contribuer aux dépenses de l’école privée de la commune voisine. Cette contribution serait due dans quatre hypothèses, dont certaines relèvent de la convenance personnelle.

-          Le premier motif porte sur l’absence de capacité d’accueil dans la commune de résidence. Ce critère pourrait sembler justifié, mais ce serait oublier un peu vite le principe issu du préambule de la Constitution de 1946 qui dispose que « l’organisation de l’enseignement public, gratuit et laïque à tous les degrés, est un devoir de l’État ». Il devrait, en conséquence, n’y avoir aucune commune ou regroupement de communes dépourvus d’école publique. Par ailleurs, l’alinéa que je viens de citer impose que l’enseignement soit laïque. Les collectivités locales ne peuvent donc pas sous-traiter leurs obligations scolaires à des associations rattachées à un culte, comme c’est le plus souvent le cas des établissements privés, avec parfois des débordements auxquels je reviendrai en défendant l’un de mes amendements.

 

-          Le second motif tiendrait aux obligations professionnelles des parents, lorsqu’ils résident dans une commune qui n’assure pas directement ou indirectement la restauration et la garde des enfants. Mais que recouvre réellement cette catégorie ? S’agit-il uniquement des cas ou les deux parents ont des horaires décalés, ou bien est-ce déjà la porte ouverte aux convenances personnelles ? Pourquoi la proposition n’impose-t-elle pas que la garderie et le service de restauration soient bien assurés dans l’école d’accueil ?

 

-          -Enfin, le regroupement de la fratrie est l’exemple même du motif pour convenance personnelle. Il suffit qu’une famille ait, pour une raison relevant de son seul choix, scolarisé son premier enfant dans une école privée d’une autre commune pour que la scolarisation de l’ensemble de la fratrie dans ce même établissement soit imposée à la commune de résidence.

L’interprétation large de ces trois « motifs légitimes » recouvre la quasi-totalité des enfants scolarisés dans l’enseignement privé en dehors de leur commune de résidence.

Par ailleurs, lorsque le financement n’est pas rendu obligatoire, il pourra néanmoins être assuré à titre facultatif. Nous sommes en présence d’une atteinte directe aux principes de laïcité et d’égalité. Le choix de subventionner une association rattachée à une religion ou à un culte serait contraire au principe constitutionnel de laïcité selon lequel « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte » ( article 2 de la loi du 9 décembre 1905.)

Attaché aux principes de laïcité de la République et d’égalité des citoyens, je vous appelle, mes chers collègues, à rejeter cette proposition de loi, car elle porte en elle des ferments de désagrégation de l’école républicaine et laïque. Restons attachés à l’adage « à l’enseignement public, fonds publics ; à l’enseignement privé, fonds privés » ! Cet adage ne reflète malheureusement pas le droit applicable depuis les lois Debré, mais pour ma part je reste fidèle aux valeurs défendues par ma famille politique républicaine de gauche, qui s’est toujours élevée contre la loi de 1959 et les accords ultérieurs avec l’enseignement privé.

Je souhaiterais, en cas d’adoption de ce texte, que nous soyons assez nombreux pour prolonger notre engagement républicain et laïque par une saisine du Conseil constitutionnel, qui ne manquera pas de censurer les atteintes les plus flagrantes aux principes de l’article 40, de libre administration des collectivités locales, d’égalité et de laïcité.

Intervention sur le site des députés

 

Publié dans Libre parole

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