Après les élections européennes.
Avec un taux d’abstention record, le commentaire des résultats des élections européennes s’avère particulièrement risqué !
La tendance est lourde et s’accentue au fil des années : 39,29 % en 1979 ; 43,28% en 1984 ; 51,20% en 1989 ; 47,29% en 1994 ; 53,24% en 1999 ; 57,24% en 2004 ; 59,5% en 2009.
39,43% des Aubois ont voté en 2009 soit 2,14% de moins qu’en 2004.
L’intérêt pour l’Europe n’est probablement pas en cause. Lors du référendum portant sur la Constitution européenne en 2005 l’abstention était tombée à 30,63 % et le rejet de l’Europe « libérale » avait réuni 54,67 % des voix. Le mépris de la volonté populaire manifesté par les forces politiques dominantes (UMP et PS) n’est peut-être pas pour rien dans la désaffection récemment constatée. Cette « grande coalition » effective au parlement européen et qui a donné son aval au Traité de Lisbonne (copie conforme du projet rejeté en 2005) ne laissait guère de doute quant à l’efficacité d’un vote d’opposition. Le PS a tenté de faire croire qu’une majorité pourrait être constituée autour du PSE, perspective illusoire compte tenu des comportements consensuels antérieurs. Seul Cohn Bendit en agitant le drapeau « tous contre Barroso » a réussi à faire oublier son soutien au traité de Lisbonne et au déni de démocratie qu’il représente.
Monsieur 11%.
« Pour la première fois depuis que l’élection européenne existe, le Président remporte l’élection »… Si vous n’avez pas entendu cet argument c’est que vous vivez sur Sirius ! La cohorte des laudateurs de l’UMP, satellites et auxiliaires compris l’a répété à satiété sur tous les réseaux. Réalisant chemin faisant que la formulation donnait au résultat une apparence plébiscitaire qu’il n’avait évidemment pas, Fillon a rectifié. C’est le « Parti du président » qui a gagné. Le score riquiqui d’une soi-disant majorité présidentielle qui plafonne à 28% des exprimés soit environ 11% des inscrits ne devrait pas susciter l’enthousiasme. La coalition de l’UMP et du « Nouveau » centre, flanquée de groupuscules issus des défections socialistes est minoritaire dans le pays. Cela ne l’empêchera pas d’imposer sa loi : on fera revoter les Irlandais jusqu’à ce qu’ils disent « OUI », les ministres des finances de l’ « Eurogroupe » refusent d’assouplir le «pacte de stabilité » et Hortefeux annonce tranquillement le report de l’âge de la retraite.
Tous Verts ?
Avec 16,28% des exprimés, la liste « Europe écologie » réalise le meilleur score « Vert ». Pour mémoire, Cohn-Bendit avait hissé les écologistes à 9,72% en 1999. Cette fois, la liste fait jeu égal avec le PS, envoie 14 députés au parlement européen, comme ses amis d’outre Rhin.
Vote refuge ont dit certains, avec un PS en crise et un MoDem fragilisé par les écarts de Bayrou. Prise de conscience pensent d’autres qui observent depuis quelques années la montée des inquiétudes justifiées liées à l’environnement.
L’enjeu écologique est vital. Nombre de scientifiques sonnent l’alarme de longue date. De nombreuses associations travaillent sur les sujets les plus divers et diffusent des informations de plus en plus précises. Elles convergent pour l’essentiel : le développement à but lucratif conduit à des bouleversements dont les conséquences peuvent être catastrophiques. Le capitalisme qui plonge la société dans la crise économique et sociale est également cause des désastres environnementaux : le type de croissance imposé à l’économie l’est par les maîtres de l’économie. La « mondialisation » financière accentue la globalisation des dégâts sociaux et écologiques.
La prise de conscience est largement partagée. Il n’est guère de parti en France qui n’ait dans son programme un volet « environnement ». Ce qui oblige à y regarder de plus près !
Un casting de rêve.
Europe Ecologie a su se démarquer : trois leaders emblématiques et aptes à séduire des fractions de l’électorat fort diverses. Cohn-Bendit, qu’on présente toujours comme le meneur de mai 68 – les survivants apprécieront- bien qu’il ait depuis longtemps affirmé son ralliement au libéralisme économique. José Bové, à la stature d’opposant altermondialiste, ex partisan du « NON ». Eva Joly et la lutte contre la corruption. Des amis de Nicolas Hulot...Ils n’avaient pas à parler de l’Europe instituée par les traités (« concurrence libre et non faussée ! ») puisqu’ils étaient l’Europe. José Bové avait balayé d’une boutade le rappel de son action passée : « combat d’arrière garde »… Là gît le lièvre ! Quelle Europe? Cohn-Bendit imagine des regroupements étranges, additionnant libéraux et gauche radicale! L’écologie, thème transversal par excellence, serait-elle vouée à devenir le énième avatar du « ni droite ni gauche », à ouvrir la voie de la recomposition centriste que peine à réaliser une fraction du PS? « Dany » revendique une position « charnière » : « J’ai compris dans cette élection le rôle qu’Europe Ecologie peut jouer entre le PS et le MoDem et entre le PS et l’extrême gauche…Nous avons besoin d’un processus où les forces politiques approfondissent leurs propositions et parviennent à une nouvelle majorité crédible pour 2012… » Et de rejeter « les accords d’appareils » dans la perspective des prochaines élections. On sait d’expérience où mène ce genre de discours.
Confusion politique et coups médiatiques…
Il semble bien – si l’on en croit l’évolution des sondages- que la diffusion sur une chaîne publique du film « Home » à quelques heures du vote ait pu avoir quelque influence. Yann Arthus Bertrand l’assume et s’en réjouit, oubliant, mais il n’est pas le seul, qu’un minimum d’égalité devrait être respecté en période électorale ! La loi régit minutieusement la taille des bulletins de vote et l’attribution par tirage au sort d’un affichage public, survivance émouvante d’un passé républicain. Télévisions et radios s’affranchissent allègrement de ces ridicules scrupules d’un autre âge ! Comme le disent les Sarkozites : « C’est la fin de l’hypocrisie ! » Bafouons ouvertement les règles : la transparence y gagne ce que la démocratie perd.
A la "Une" le 29 mai: Europe écologie était donnée à 11%.
Hélas, la clarté du message délivré par "Home" n’est pas non plus au rendez-vous. Le constat est accablant, l’absence de solutions aussi. La conscience écologique progresse au quotidien : trier les déchets, fermer le robinet, éteindre les lumières, améliorer l’isolation des logements, développer les énergies alternatives… Qui ne souscrirait à des comportements qui relevaient autrefois du simple bon sens et de l’économie domestique. Le malheur est que l’ampleur des défis agricoles et industriels dépasse les aptitudes individuelles. Peut-on croire que le système économique mondial, même soumis à une hypothétique « moralisation », trouvera les voies de la sagesse ? « La main invisible du marché » sera-t-elle un jour « une main verte ? ». Les "Verts" historiques se situent clairement à gauche. Qu'en est-il des autres composantes rassemblées derrière Daniel Cohn Bendit ?
L’angle mort.
En voiture, c’est de là que vient l’imprévu. En politique aussi. Avant l’élection, un consensus médiatique pesant reléguait le « Front de gauche » au rang des formations folkloriques. Le verdict des urnes, quoique révélateur, n’a pas davantage inspiré les commentateurs. Le résultat n’est pourtant pas négligeable : 6,05% des voix et 5 élus (avec « l’Alliance d’Outre-mer »).
On sait que l’abstention s’est largement manifestée dans les quartiers populaires et parmi les jeunes (69 % des ouvriers, 66 % des employés, 70% des jeunes se seraient abstenus). Le PS paie cher son désengagement à gauche: son nombre d’élus est divisé par deux tandis que le PSE perd 55 sièges ! Dans l’Aube il perd près de la moitié de ses voix. (14,6%). A entendre nombre de dirigeants de ce parti, l’avenir serait là aussi dans une « recomposition » incluant le MoDem. Cette stratégie « centriste » a déjà ruiné les positions d’autres partis sociaux-démocrates européens. Va-t-elle conduire le PS à un Harakiri collectif comme semble le souhaiter un Manuel Valls ?
Le mérite de l’autre gauche est d’ouvrir une perspective. La stratégie de rassemblement s’est heurtée à des oppositions d’appareils. Pourtant le total des voix obtenues aurait permis d’avoir 12 élus au lieu de 5, de battre Le Pen et Hortefeux. C’était le sens de l’appel lancé par Christian Picquet (Gauche unitaire) « aux hommes et aux femmes de gauche à rejoindre l’esprit de ce Front de gauche qui est de rassembler toute la gauche de la gauche… » Quant à Jean Luc Mélanchon, il déclarait que le score du Front de gauche doit conduire le PS à se ressaisir en rompant avec les politiques libérales, tandis que le NPA doit comprendre que la voie qu’il propose conduit à une impasse. « Le Front de gauche » ça marche ! titrait la Dépêche de l’Aube et JP. Cornevin renouvelait un appel à « l’élargissement du mouvement… sans hégémonie. »
Car il faudra bien une force politique déterminée, une force de gauche, pour réaliser les changements attendus : améliorations sociales et environnementales. Y compris comme le souhaitent les Verts, pour la mise en place « d’un bouclier social » européen…