Les arbres de La Chaussée.
Ces arbres qu’on abat…
Pour la sécurité, et c’est incontestable, on abattit hier deux arbres vénérables. Ils furent plantés jadis, ainsi que sentinelles, aux abords du village. La voie était déserte. On disait « La chaussée », empierrée et hautaine, droite à travers les champs, du carrefour au village.
Plus tard les voyageurs, sous la pluie, dans le vent, rejoignaient au matin, la gare et le chemin de fer, dont la fumée lointaine signait sur le ciel gris les promesses d’un progrès infini. On s’arrêtait sans doute, à l’abri du feuillage lorsqu’on allait à pied attendre l’autocar.
Vinrent les automobiles et leur flot continu, les cyclistes du dimanche, le car des écoliers. Tranquilles et majestueux, marronniers et tilleuls ont défié les années. Cependant peu à peu, les ans, la pluie, le vent, les insectes inlassables ont creusé, déformé les troncs, rongé les écorces. Une vingtaine ont survécu. Sept ont laissé la place à des troncs vigoureux. Un siècle et demi. Les troncs rompus gisent au long d’un chemin.
Voix des arbres.
Les arbres timides et forts
La nuit parlent à voix haute
Mais si simple est leur langage
Qu’il n’effraie pas les oiseaux
Près du cimetière où les morts
Remuent leurs lèvres de cendre
Le printemps en flocons roses
Rit comme une jeune fille
Et parfois comme le cœur
Prisonnier d’un vieil amour
La forêt pousse un long cri
En secouant ses barreaux.
Marcel Béalu.
Le Marronnier est le roi de l’ombre ( Fable).
Un petit chêne en un été
Avait pondu deux mille glands
Qui glandouillaient
Glands glands glands glands
A qui naîtraient bientôt dans l’herbe…
Non loin de lui un marronnier
N’avait réussi qu’un marron
Qui devint vite un avorton
Cerné par des enfants de chêne
Mais l’an d’après quand vint l’été
Et les années qui suivirent
L’enfant marronnier se fâcha
Et déployant son plafonnier
De feuillages superposés
Vite étouffa dans sa vengeance
Tous les intrus qu’il détestait
Afin de semer ses marrons
Tonton tontaine et retonton
Tout marronnier est Attila.
L’herbe sous lui ne repousse pas.
Pierre Béarn.
Le vent fait battre son cœur
Chaque vague chaque feuille
Change voit clair et rayonne
Les ailes ont quitté le corps
De la forêt l’arbre s’envole
Il règne de la terre au ciel
Il s’éclaircit il prend des forces
Il chante et peuple le désert
Un plus tendre bois
Un miroir plus vert
Une seule voix
Reflètent l’azur
Sous toutes ses faces.
Paul Eluard.
Toute idée, humaine ou divine,
Qui prend le passé pour racine
A pour feuillage l’avenir.
Victor Hugo.
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Les poèmes cités sont extraits du n° 3 des "cahiers bleus. 2ème trimestre 1991. Notre frère l'arbre.